La commission des affaires sociales examinait ce matin la proposition de loi socialiste portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques.
Ce texte, adopté par le Sénat en janvier 2018, vise à compléter le dispositif de réparation des victimes de produits phytopharmaceutiques en permettant la prise en charge de la réparation intégrale des préjudices (économiques et personnels) des personnes atteintes de maladies liées à leur utilisation, qu’elles soient d’origine professionnelle ou non, via la création d’un fonds d’indemnisation financé par les fabricants de ces produits.
Elle se base sur les conclusions des travaux de la mission d’information du Sénat de 2012 sur « les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement », qui comprenait une centaine de recommandations concernant les industriels, les agences d’évaluation, les professionnels de la santé, les agriculteurs, et visant à améliorer la procédure de mise sur le marché des produits, la vigilance sanitaire ainsi que les informations relatives à leurs impacts sur la santé.
La France reste l’un des pays les plus consommateurs de produits phytopharmaceutiques en volume au sein de l’Union européenne : 66 tonnes de produits consommés en 2016, selon les données d’Eurostat, en particulier pour les cultures de céréales à paille, de maïs, de colza et la vigne.
Des dispositifs d’indemnisation existent pour les salariés et exploitants agricoles dans le cadre de procédures judiciaires de droit commun ou en cas de reconnaissance d’un accident du travail et d’une maladie contractée dans le cadre professionnel.
Toutefois, le nombre de victimes reconnues dans le cadre du régime agricole des accidents du travail et des maladies professionnelles apparaît aujourd’hui très limité (moins de 700 en dix ans) et n’est pas représentatif du nombre réel de victimes (lequel pourrait être de 10 000).
C’est la raison pour laquelle la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (qu’Elisabeth Toutut-Picard présidait), avait proposé, parmi les recommandations de son rapport rendu en avril 2018, la création d’un fonds d’indemnisation des produits phytopharmaceutiques. Dans le cadre de l’examen de la loi agricole au printemps 2018, plusieurs députés (dont Elisabeth Toutut-Picard) avaient proposé des amendements visant à créer ce fonds, mais ils n’avaient pas été retenus à l’époque.
En préalable à l’examen de la proposition de loi, les députés réunis autour du rapporteur du texte Dominique Potier ont auditionné les principaux acteurs concernés : l’ANSES, l’INSERM, l’association Phytovictimes, les ministères de l’agriculture et de la santé, la Mutualité sociale agricole, etc.
Désormais, le principe de création du fonds ne fait plus débat et les députés de la commission ont donc adopté le texte proposé par le groupe socialiste, moyennant quelques amendements.
Au cours de la réunion, Elisabeth Toutut-Picard s’est réjoui de cette proposition et a indiqué qu’il fallait aussi agir préventivement, en améliorant le suivi médical des exploitants et de leur famille par la mise en place d’un parcours de soins spécifique. Cette proposition ayant requis l’assentiment du rapporteur, elle déposera un amendement dans le cadre de l’examen du texte en séance le jeudi 31 janvier.
Monsieur le rapporteur,
Votre rapport montre bien l’insuffisance du régime d’indemnisation actuelle.
Entre 2007 et 2016, moins de 700 malades ont été déclarés au titre des maladies professionnelles, quand le rapport de la mission des inspections générales évoque lui 10 000 victimes professionnelles potentielles de maladies liées à l’exposition aux pesticides.
Ce dernier chiffre est à prendre avec précaution, car issu d’un croisement de données particulièrement compliqué mais le fait est là : il y a clairement sous-déclaration et sous-reconnaissance en la matière.
Les tableaux de maladies professionnelles vont être révisés, mais cela ne suffira pas et la création d’un fonds d’indemnisation se justifie donc amplement.
La Mission d’information que je présidais l’année dernière l’avait d’ailleurs clairement formulée dans ses recommandations.
Le principe du fonds n’est plus discutable mais maintenant il faut y aller sans tarder et j’ose le terme sans mégoter sur les moyens.
Certes, la question du financement se pose mais la mission des inspections avait proposé des scénarios plausibles et nous pourrons bientôt trancher grâce au nouveau rapport qui sera transmis au Parlement en avril.
Votre proposition est une loi de réparation des préjudices. Mais ce qui serait encore mieux, est de les prévenir en assurant un meilleur suivi médical des professionnels exposés.
Nous manquons de données fiables concernant les exploitants et leurs familles, qui ne sont pas astreints aux obligations de la médecine du travail.
La mise en place d’un parcours de soins spécifiques pour ces populations permettrait d’y remédier, mais aussi de collecter des données épidémiologiques précieuses pour évaluer les besoins.
J’aimerai avoir votre opinion sur cette proposition. Merci.