Elisabeth Toutut-Picard est intervenue en séance publique vendredi 14 septembre, lors de l’examen du projet de loi sur l’équilibre de l’agriculture et de l’alimentation.
Elle a notamment défendu un amendement (n°687, article 14 sexies A) permettant la prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par les produits phytopharmaceutiques. Ce fonds serait essentiellement financé par l’affectation d’une fraction du produit de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques.
Dans l’expertise collective Pesticides : effets sur la santé, publiée par l’INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale – en juin 2013, les experts scientifiques identifiaient un lien entre l’utilisation de certains pesticides, dont les produits phytopharmaceutiques, et la survenue de plusieurs pathologies graves. L’INSERM évoque une association positive entre l’exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques – lymphomes non hodgkinien, myélomes multiples. Les études scientifiques alertant sur la hausse de maladies chroniques et l’imprégnation générale de la population et de l’environnement n’ont, depuis, cessé de s’accumuler.
Si l’action des pouvoirs publics, notamment au travers du plan Écophyto et du projet agro-écologique pour la France, est d’abord et prioritairement orientée vers la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et l’encadrement de leur utilisation, elle ne doit pas ignorer l’obligation de réparation des préjudices des victimes de ces produits. La liste des tableaux de maladies professionnelles a ainsi été complétée en 2015 par le tableau no 59 du régime agricole permettant la réparation des hémopathies en lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides.
Une proposition de loi visant la création d’un tel fonds d’indemnisation a été adoptée à l’unanimité au Sénat en février 2018, mais elle n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. La création de ce fonds constituait aussi la troisième proposition du rapport de la mission d’information commune sur les solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques, rendu début avril 2018. Il ne lui paraît donc pas pertinent de reporter encore la création du fonds par la commande d’un nouveau rapport.
Le ministre Stéphane Travert et le rapporteur du projet de loi, ont rappelé leur volonté de rendre possible une indemnisation des victimes des produits phytosanitaires. Selon le ministre, il est nécessaire d’améliorer, au sein des régimes général et agricole, la connaissance, la reconnaissance et la réparation des maladies professionnelles liées aux expositions aux produits phytopharmaceutiques. L’objectif est de disposer des données les plus récentes, alors que la connaissance ne cesse d’évoluer, pour fonder une décision.
Parallèlement, le Gouvernement souhaite mener une concertation pour améliorer l’indemnisation des exploitants agricoles, dont le rapport des inspections souligne que le niveau est inférieur à celui des salariés agricoles. Ce travail pourrait s’inscrire dans une réforme, avec les organisations syndicales dont la consultation est en cours : il leur appartient de proposer les champs sur lesquels elles souhaitent avancer en matière de santé au travail. Il est en effet important que les organisations représentatives qui sont consultées puissent faire remonter cette problématique, en vue de permettre sa parfaite identification.
Le gouvernement s’est toutefois opposé à la création immédiate de ce fonds d’indemnisation, jugeant nécessaire d’attendre la publication du rapport sur son impact potentiel et les modalités possibles de son financement.
L’amendement d’Elisabeth Toutut-Picard a donc été rejeté. Cependant, l’Assemblée nationale a adopté deux autres amendements, cosignés par Madame Toutut-Picard, qui permettent de progresser sur le sujet : le premier prévoit que le rapport devra être remis au Parlement dans les six mois à compter de la promulgation de la loi ; le deuxième fixe au 1er janvier 2020 la date butoir de création du fonds d’indemnisation.