Les députés Ericka Bareigts et Cyrille Isaac-Sibille ont présenté ce matin, en commission des affaires sociales, le rapport de la mission d’information relative à la prévention santé en faveur de la jeunesse.
Cette mission devait faire un état des lieux de l’ensemble des actions de prévention santé existantes en faveur de la jeunesse et de les évaluer.
Pendant 6 mois, elle a procédé à plus de 130 auditions de différents acteurs (institutionnels, personnels soignants – médecins, pharmaciens, infirmiers, établissements hospitaliers – associations, acteurs de l’éducation et de la promotion de la santé, représentants des collectivités, actuaires, etc.).
En France, la santé des enfants et des jeunes est considérée comme étant plutôt « bonne », avec un taux de mortalité globalement en diminution depuis 15 ans.
Parmi les problèmes de santé qui font actuellement l’objet de prévention, on trouve :
– Le surpoids et l’obésité : le taux de surpoids chez les 5-6 ans était en 2013 de 11,9 % (dont 3,5 % d’obésité) ; pour les 10-11 ans, il était de 18,1 % (dont 3,6 % d’obésité). Entre 1997 et 2014, la prévalence de l’obésité des 18-24 ans est passée de 2,1 % à 5,2 %.
– Les addictions : en 2017, on constatait chez les jeunes de 17 ans, 25 % de fumeurs quotidiens de tabac, 8,4 % de buveurs réguliers d’alcool, et 7,2 % d’usagers de cannabis.
– Les maladies sexuellement transmissibles : les jeunes en France apparaissent particulièrement exposés aux infections sexuellement transmissibles (IST). Un quart des nouveaux cas de séropositivité, deux tiers des gonococcies, plus de deux tiers des chlamydioses concernent les jeunes. Les cas de syphilis sont également en augmentation.
– Les problèmes de santé mentale : 10 % des jeunes connaîtraient un épisode dépressif entre 16 et 25 ans. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans (8 885 morts en 2014), après les accidents de la route.
– La surdité : selon deux enquêtes JNA-IPSOS2, plus de 4 jeunes sur 6 écoutent de la musique amplifiée sur leur MP3, entre 1h à 4h par jour, sur des appareils atteignant les 100 décibels à leur volume maximum. Par ailleurs, 43 % des jeunes de 13 à 25 ans – 57 % des 19-25 ans – ont indiqué à avoir déjà été exposés à un problème d’audition (douleur dans l’oreille, sifflement, bourdonnement, ou perte brusque d’audition suite à une exposition sonore élevée).
La santé des jeunes est un enjeu majeur de santé publique, car des problèmes de santé contractés tôt augmentent le risque de voir survenir des problèmes similaires à l’âge adulte (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, surdité, addictions). A titre d’exemple, la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte varie, selon les études, de 20 à 50 % avant la puberté et de 50 à 70 % après la puberté. C’est aussi un enjeu majeur de société, car les inégalités sociales et territoriales sont particulièrement liées aux problèmes de santé. En effet, on considère que les inégalités de santé sont déjà installées avant l’âge de 6 ans, voire dès 3 ans : par exemple, 21 % des enfants d’ouvriers sont en surpoids ou obèses, contre 8,5 % des enfants de cadres. Les élèves relevant de l’éducation prioritaire sont également presque deux fois plus souvent obèses que les autres (7 % contre 4 %). Ces inégalités de santé creusent ensuite à leur tour les inégalités sociales et territoriales en pesant sur la réussite scolaire des enfants.
Le rapport de la mission d’information fait d’abord le constat de l’échec des politiques de santé publique au regard des inégalités de destin. Il dresse ensuite un état des lieux de la politique de prévention et constate une multiplicité d’acteurs, un éparpillement de la gouvernance et des financements. Il établit la liste des actions existantes, qui apparaissent dispersées et non évaluées. Enfin, il formule des propositions ainsi qu’une feuille de route de leur mise en œuvre.
Elisabeth Toutut-Picard est intervenue pour rappeler que le génome n’explique pas tout dans le développement des pathologies à l’âge adulte, mais que l’environnement peut activer ou inhiber les gènes individuels (sans pour autant modifier l’ADN). Ces expositions environnementales peuvent être liées aux perturbateurs endocriniens, au stress, aux pollutions ou encore aux chocs psychiques. Elle a aussi rappelé que les 1000 premiers jours de la vie (de la fécondation aux 2 ans de l’enfant) sont déterminants pour la qualité de la santé à l’âge adulte, dans la mesure où d’infimes expositions à des perturbateurs endocriniens dans cette période ultra-sensible peuvent entraîner l’apparition de lourdes pathologies (maladies neurologiques, cancéreuses, impacts sur la stérilité et la puberté, etc.) à l’âge adulte et sur plusieurs générations. Elle a donc appelé à ce que les actions de prévention (portées notamment dans le programme national de santé environnement, suivi par le groupe santé environnement présidé par Madame Toutut-Picard depuis juin dernier) privilégient d’abord ces populations fragiles que sont les futures mamans (à travers les consultations prénatales) et les tout-petits (dans les crèches et les maternelles).