Mercredi 18 avril, la commission des affaires sociales organisait une table-ronde sur l’accompagnement des personnes en fin de vie.
Elle réunissait :
- le Professeur Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Sud 11 et directeur de l’Espace de réflexion éthique sur les maladies neurodégénératives,
- le Professeur Serge Perrot, président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) et chef du service de la douleur à l’hôpital Cochin-Hôtel Dieu,
- le Docteur Anne de la Tour, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) et chef de service soins palliatifs et douleurs chroniques au Centre Hospitalier Victor Dupuy d’Argenteuil,
- Brigitte Micheau, bénévole,
- Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission santé de France assos santé,
- Tugdual Derville, fondateur de SOS fin de vie et délégué général d’Alliance VITA
- Caroline Roux, déléguée générale adjointe et coordinatrice des services d’écoute.
Une personne en fin de vie, c’est-à-dire atteinte d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, peut bénéficier de soins à domicile jusqu’à son décès, grâce aux SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) ou aux infirmiers libéraux qui peuvent intervenir sur prescription médicale. Il est également possible de bénéficier de soins palliatifs à domicile dispensés par des infirmiers libéraux, des services d’HAD (hospitalisation à domicile) ou des équipes mobiles de soins palliatifs. Ces soins sont accessibles sur prescription médicale et remboursés par l’Assurance maladie. Les établissements pour personnes âgées sont aussi sensibilisés à la question, puisque les équipes des EHPAD peuvent prodiguer des soins aux personnes âgées en fin de vie, en faisant appel à des équipes mobiles de soins palliatifs ou bien à l’HAD pour accompagner un résident. Il est enfin possible de bénéficier de soins palliatifs à l’hôpital, en étant soigné au sein d’unités ou en bénéficiant de l’accompagnement d’équipes mobiles de soins palliatifs qui interviennent à la demande dans les différents services de l’hôpital.
En 2002, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré le droit d’être informé sur son état de santé mais aussi l’obligation qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne soit « pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne », ce consentement pouvant être retiré à tout moment. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi LEONETTI », prévoit que les traitements ne doivent pas être poursuivis par une « obstination déraisonnable » et fait obligation de dispenser des soins palliatifs. Si le malade est inconscient, l’arrêt ou la limitation du traitement ne peuvent être décidés que dans le cadre d’une procédure collégiale et après consultation d’un proche ou d’une « personne de confiance » préalablement désignée par le malade. Le statut de la personne de confiance est renforcé et son avis prévaut sur tout autre avis non médical. Il doit également être tenu compte des directives anticipées formulées par le malade. Enfin, la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (Loi CLAEYS-LEONETTI) a posé le principe selon lequel « toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté ». Elle prévoit notamment que la formation initiale et continue des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, des aides-soignants, des aides à domicile et des psychologues cliniciens comporte un enseignement sur les soins palliatifs. Le droit à une « sédation profonde et continue » jusqu’au décès a aussi été introduite et s’applique, à la demande du patient, lorsqu’il est atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme.
L’accompagnement des proches est aussi un élément du débat. Les salariés peuvent bénéficier d’un congé de solidarité familiale pour assister, sous conditions, un proche dont la maladie met en jeu le pronostic vital ou qui se trouve en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable (quelle qu’en soit la cause). Le congé est indemnisé et peut être pris de manière continue ou fractionnée. Le montant de l’allocation est fixé à 55,93 € par jour. Il est fixé à 27,97 € si le salarié a transformé son congé de solidarité familiale en activité à temps partiel. Les professionnels qui interviennent dans le cadre de soins palliatifs ont aussi pour mission de soutenir l’entourage de la personne en fin de vie. Des associations de bénévoles formés à l’accompagnement et à l’écoute des malades et de leurs proches peuvent aussi intervenir avec l’accord de la personne malade dans certaines circonstances.
L’accompagnement des personnes en fin de vie est l’un des thèmes soumis à consultation dans le cadre des États généraux de la bioéthique 2018. En effet, malgré plusieurs évolutions législatives depuis une quinzaine d’années, les questions liées à la fin de vie n’ont pas toutes trouvé une réponse, comme en témoignent notamment l’ouvrage de l’écrivaine Anne BERT qui est décédée le 2 octobre 2017 en Belgique, euthanasiée à sa demande, ou la bataille judiciaire sur le cas de Vincent LAMBERT. Dans un sondage Ifop réalisé en décembre 2017 pour le journal La Croix, 89% des personnes interrogées se déclaraient favorables à une évolution de la législation sur la fin de vie : 18% pour la légalisation du suicide assisté, 47% pour la légalisation de l’euthanasie et 24% pour la légalisation des deux. 11% des personnes interrogées se déclaraient opposées à un changement de la législation.
Dans son avis « Fin de vie : la France à l’heure des choix » rendu la semaine dernière, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) invite à adopter une « loi sur les derniers soins » qui se traduirait par la possibilité pour la personne malade de pouvoir demander au médecin, « y compris à travers la rédaction de directives anticipées ou la désignation d’une personne de confiance, de recevoir dans des conditions strictement définies, une médication expressément létale ». Il s’agirait une « dépénalisation conditionnelle de l’aide à mourir » selon que celui-ci est réalisé par le médecin (et donc assimilable à une euthanasie) ou par la personne elle-même (et donc assimilable à un suicide assisté). La loi devrait également comporter « une clause de liberté de conscience permettant à toute personne, quelle que soit sa profession, de refuser de participer sous quelque forme que ce soit à la prescription, la dispensation ou l’administration d’une médication expressément létale ». Le Cese invite aussi les pouvoirs publics à lancer une campagne d’information sur la fin de vie dans le cadre du prochain plan national de développement des soins palliatifs 2019-2021 et à déclarer l’accompagnement de la fin de vie « grande cause nationale » pour 2020. Il souhaite également un accroissement des moyens humains et financiers pour l’accompagnement de la fin de vie, soit une augmentation de l’offre de soins palliatifs à l’hôpital de « 20 à 40 % par rapport à l’existant ».
Lors de l’audition, Elisabeth Toutut-Picard a interrogé les intervenants sur les modalités de prise en charge des malades français, en phase terminale ou non, qui font le choix de se rendre à l’étranger (notamment en Belgique et en Suisse) pour bénéficier d’une assistance médicale à mourir. Elle leur a demandé s’il avaient connaissance de l’importance des réseaux existants, des prix pratiqués et du profil socio-économique des patients qui y ont recours.